De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

qui se trouvaient à bord, en destination des colonies, faisaient faction le pistolet au poing et le sabre au côté. En même temps, une pièce de 2 ou 3 livres de balles, chargée à mitraille, était braquée sur le point du pont occupé par les transportés, et un matelot se tenait à portée de faire jouer l'amorce. Dans l'entre-pont, de petits fauconneaux à pivot étaient toujours prêts à promener leur gueule du côté où se produirait un tumulte. La nuit, les rondes se multipliaient d'heure en heure, et je me rappelle que, pour avoir dormi en faction, un bon gendarme fut bel et bien condamné, par le conseil de justice du bord, à vingt-neuf jours de prison, qu'il passa consciencieusement aux fers, sans même jouir des avantages faits aux forçats. Je ne suis pas de ceux qui condamnent les précautions, parce qu'elles n'ont pas eu à se changer en mesures de répression. C'est précisément ce qu'elles ont pour but de prévenir ; et si on doit les approuver quand elles découragent les tentatives coupables, il faut surtout y applaudir quand elles n'excluent pas l'humanité. Je sais qu'il y a là une limite très-difficile à observer et je fais la part des rigueurs du service à la mer en pareille situation. Aussi suis-je heureux de constater qu'à une exception près, il n'y eut pas une seule punition encourue par les transportés. Ils étaient, d'ailleurs, il faut le dire, trop accablés par la cha-


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