De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

nité, nous sommes là, comme le chœur antique, pour voir passer les armées de la liberté, pour les acclamer après la victoire. Il y a plus ; si, écrasé par le poids de ses chaînes, un peuple s'agite sur son lit de torture, sans pouvoir échapper à ses bourreaux, la France oubliera ses propres blessures pour s'enflammer aux ardentes inspirations de son infatigable sympathie. Quoique mise en dehors des conseils de la politique, elle trouvera moyen d'y faire entendre la voix de son génie libérateur, et, sans s'arrêter à l'ingratitude que lui réserve le lendemain, joyeuse, elle donnera sans compter son or et son sang pour préparer le réveil des nationalités asservies. Divisée et impuissante en ce qui touche son organisme intérieur, elle ne dépouillera pas ses qualités chevaleresques dans les questions du dehors, et jamais le calcul ne viendra poindre sous son désintéressement séculaire. Elle sait que la récompense est dans le devoir accompli, et ce n'est pas elle qui parlera jamais de salaire ou de reconnaissance ; elle a le cœur trop haut pour descendre au trafic; le sang de ses enfants est trop précieux à ses yeux pour qu'elle en fasse l'objet d'une demande en dommagesintérêts. Ne trouvera-t-elle pas d'ailleurs le juste prix de ses efforts, en revenant, par le dévouement, au sentiment épuré de la l i berté? C'est ainsi que j'oubliais les longues heures


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