De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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dans le sens le plus rigoureux les instructions qu'ils reçoivent, dans la crainte d'encourir desreproches de tiédeur et d'indifférence, et, comme cela se pratique à tous les degrés de l'échelle administrative, on comprend comment, à la suite de ces aggravations successives, la position d'un prisonnier ne tarde pas à se changer en supplice. Le lendemain de mon déménagement, un capitaine de frégate vint faire sa ronde et se présenta dans ma chambre. Il me demanda avec une convenance parfaite si j'avais des réclamations à faire, si j'avais été convenablement traité. A cette question, le geôlier,- qui se tenait derrière le commandant, rougit comme un coupable pris en faute. Qu'allais-je répondre ? Parlerais-je du cachot que j'avais habité pendant trente-six heures ? Il fut bientôt rassuré. Je dis que je n'avais pas à me plaindre, et à l'instant je vis s'évanouir le nuage qui assombrissait le front du geôlier. A quoi bon, en effet, signaler un grief spontanément réparé ? Qu'eussé-je gagné à des récriminations désormais sans objet? le plaisir d'attirer des reproches sur un homme qui s'était efforcé de réparer une bévue commise par inintelligence. En vérité, cela n'en valait pas la peine, et, de plus, mes habitudes de caractère me défendaient de descendre à ce point. Deux jours après, je reçus la visite du viceamiral Laplace, préfet maritime à Brest. La


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