De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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PE PARIS A CAYENNE

devons donner une chambre au lieu d'un cachot, d'autant plus qu'on parle de vous dans le journal, à ce que ma fille m'a dit, et que vous avez été préfet. Ainsi, c'est dit : vous n'aurez pas besoin de parler à l'officier; je vais vous faire préparer une chambre, où vous serez à votre aise. » Et, en effet, au bout d'une demi-heure, je quittais mon cachot pour m'installer dans une grande chambre, où je trouvai un hamac et toutes les commodités qu'on peut raisonnablement désirer en prison, une cruche d'eau et un banc. Il n'y avait qu'une fenêtre, mais elle était haute et me versait toute la lumière que peut donner l'atmosphère brumeuse, des côtes de Bretagne. De plus, la pièce était assez vaste pour me servir de promenoir, et je me trouvais, toute proportion gardée, dans une sorte de paradis. Une fois délivré du cachot, je pus améliorer ma nourriture; quoique la ration réglementaire fût relativement très mangeable, mon estomac avait trop souffert des privations de la traversée pour ne pas demander quelques suppléments; mon geôlier s'y prêta de la meilleure grâce du monde, et, durant tout mon séjour, je ne cessai pas d'avoir à m'en louer. Je trouvai là matière à plus d'une réflexion ; j'y voyais une preuve nouvelle des inconvénients qui s'attachent inévitablement à tout régime exclusivement préoccupé de répression. Les subalternes interprètent toujours


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