De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

en payant, bien entendu, quelques comestibles. Les approvisionnements de la cantine me montrèrent que le régime du bagne était, à tout prendre, beaucoup moins pénible que celui du fort Lamalgue. On pouvait s'y procurer du lait, du café, de la viande très-mangeable, toute espèce de fruits, et, à la différence de l'arsenal de Toulon, il était permis de fumer partout. Vers les deux heures, on nous fit descendre, à l'exception des forçats destinés pour Belle-Ile, qui devaient jouir de l'hospitalité du bagne jusqu'à leur départ, et nous fûmes remis aux mains de la gendarmerie. J'eus l'avantage d'être l'objet d'une sévérité toute spéciale de la part du chef du détachement, qui me fit fouiller comme un criminel, et qui poussa la précaution jusqu'à visiter mes deux malles avec une sollicitude vraiment louable. C'était, s'il m'en souvient, un jeune sous-lieutenant qui, sans doute, avait à cœur de justifier son récent avancement par un zèle qu'il s'efforça de rendre blessant, sans parvenir à troubler ma dédaigneuse indifférence. Comme ses préférences se bornèrent à mon individu et ne s'adressèrent pas aux repris de justice, la cérémonie fut bientôt terminée et l'on se mit en route, avec accompagnement de gendarmes, pour la maison d'arrêt du port, située par delà le bassin, sur une espèce de pla-


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