De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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vu passer à toutes voiles et à toute vapeur l'escadre de la Méditerranée, qui, venue pour parader dans la rade de Brest, sous les yeux du vainqueur de décembre, s'en allait reprendre son mouillage aux îles d'Hyères. Le colosse de la marine française, la Grande-Bretagne, battait pavillon d'amiral et tenait la tête du convoi qui se composait de cinq vaisseaux de ligne à vapeur et à hélice, et d'une frégate ; j'arrivais à temps. Un jour plus tôt, j'aurais entendu les salves joyeuses qui célébraient ce glorieux voyage ; mieux valait pour moi le morne aspect d'une rade déserte et le silence fatigué qui suit les solennités officielles. Dix ans auparavant, je m'étais trouvé, sans le savoir, avec l'élu du 10 décembre. C'était deux jours après la révolution de février : j'allais de Valenciennes à Paris pour prendre mes instructions comme commissaire général des départements du Nord et du Pas-de-Calais. Je me rencontrai à Amiens avec les détenus politiques de Doullens, auxquels les événements venaient de rendre la liberté, et lorsqu'à Baumont-sur-Oise la rupture des ponts arrêta la marche du convoi, j'appris que l'ancien prisonnier de Ham, lui aussi, se dirigeait sur Paris. On sait qu'accueilli par Marrast et présenté par lui au gouvernement provisoire, il fut obligé de reprendre pour quelques mois sa résidence en Angleterre. A quoi tiennent les destinées !


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