De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

Je ne sais pas le nom du commandant de l'Eclaireur, et je le regrette; l'opinion ne lui ferait pas attendre le juste châtiment que méritait son défaut d'humanité et de justice. Cela se fait dans la marine, dira-t-on ; tant pis, répondrai-je, pour la marine, car les cruautés inutiles déshonorent ceux qui les commettent et sans doute la France n'entend pas payer richement les épaulettes d'un officier supérieur, pour en faire un geôlier, presque un bourreau. Je comprends la responsabilité d'un commandant, mais en quoi cette responsabilité était-elle menacée? Ne suffisait-il pas, pour empêcher toute tentative de désordre, de placer un factionnaire dans l'entre-pont ? En règle générale, les fers ne sont jamais employés dans la marine que comme punition, à la suite de faits commis contre la discipline du bord. Pourquoi punir des hommes, quels qu'ils soient d'ailleurs, quand ils n'ont pas violé la consigne, quand leur soumission ne permet pas de craindre la moindre tentative de révolte ou d'insubordination ? Je pourrais dire qu'en tout cas, et si la présence des repris de justice était un danger pour le bâtiment, aucune raison n'existait pour me comprendre dans ces craintes et me faire souffrir ces tortures. Que les officiers de marine aient la naïveté de croire que les condamnés destinés à Cayenne sont des hommes de haute main, ne reculant devant aucun crime, toujours prêts à les massacrer ou


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