De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

état, bien tenu, ayant cet aspect d'ordre, cette propreté minutieuse que l'on retrouve à bord des bâtiments de guerre qui ne servent pas habituellement au transport. Le premier coup d'œil me séduisit et me réconcilia tout d'abord avec ma nouvelle demeure. Il me semblait impossible que j'eusse à me plaindre sur un bâtiment si bien gréé, dont les caronades reluisaient sous leur couleur bronzée, dont le pont semblait le parquet d'un salon. Hélas ! c'était précisément tout cela qui aurait dû me présager des ennuis. Tous les bâtiments de charge sont accoutumés à recevoir des passagers, et, comme tous y sont également traités, c'est-à-dire aussi mal que possible, leur embarquement n'a rien d'imprévu. Ce sont des colis à transporter, et tout est dit. Mais, à bord des navires qui ne sont pas affectés à ce service, un convoi de passagers est un immense ennui pour l'état-major. Il faut prendre sur les aménagements de l'équipage ; l'ordre et cette bienheureuse propreté, qui font le bonheur des chefs et le désespoir des matelots, deviennent à peu près impossibles à conserver. Et si, par-dessus le marché, il s'agit de forçats, de repris de justice ou même de prisonniers politiques, le mécontentement ne connaît plus de bornes. Je n'ai aperçu le commandant de l'Eclaireur qu'un instant; c'était un homme qui devait avoir à peu près soixante ans; ses traits exprimaient les habitudes de mauvaise humeur que


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