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DE PARIS A CAYENNE
vie, semblaient heureux et fiers de reparaître, à titre de Visiteurs et de passagers, dans ces lieux dont les habitudes leur étaient si familières et qui ne leur inspiraient plus d'effroi. Ils comptaient bien obtenir quelques confidences sur la chronique' du jour, savoir ce qu'étaient devenus les vaillants d'autrefois, peut-être même échanger avec eux un mot à la dérobée. Quant aux repris de justice, ils se sentaient mal à l'aise ; la liberté n'avait été pour eux qu'un piége, et, vaincus par leur implacable destinée, ils revoyaient ce bagne qu'ils avaient quitté si joyeux, la tète pleine d'espérances impossibles et qu'ils regrettaient maintenant, en présence des effrayantes perspectives que leur offrait le séjour de Cayenne. Quand je franchis la voûte sous laquelle s'enfonce la porte de l'Arsenal, l'agent principal du fort Lamalgue, qui s'était fait un devoir de m'accompagner, — ce dont je lui fus reconnaissant,— sentit le besoin de m'adresser quelques mots d'encouragement. Je le remerciai de cette intention bienveillante, mais, en réalité, je ne ressentais qu'une vive curiosité. Je n'étais pas fâché de voir de près et autrement qu'en touriste l'intérieur de ces lieux maudits, dont le nom sonne comme un bruit d'enfer dans les imaginations effrayées. Le fort Lamalgue avait ménagé si peu d'outrages à ma délicatesse, que le bagne ne pouvait me réserver de bien grandes surprises. Puis, que