De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

où les passants n'étaient pas toujours épargnés. Forcé de rester dans mon nid de pierres, j'y était poursuivi par l'effroyable tumulte qui se dégageait du sein de cette jeunesse désordonnée d'Afrique, et qui se perpétuait souvent après la retraite. Vainement le service de nuit était-il devenu plus actif que jamais; le remède ne faisait qu'ajouter au mal. D'ailleurs mon sommeil avait des ennemis bien plus dangereux que les cris des factionnaires, le bruit des patrouilles, le passage des rondes ou les rumeurs de mes voisins. J'ai eu plus tard affaire aux insectes redoutés de la Guyane; mais les moustiques et les maringouins sont d'inoffensifs animalcules à côté des puces qui peuplaient les paillasses et les couvertures du fort Lamalgue. Si les carnassiers de grande taille, si les oiseaux au bec recourbé et aux serres puissantes avaient la centième partie de la férocité des puces toulonnaises, l'humanité ne tarderait pas à disparaître du globe. Et nul moyen de se protéger contre les attaques incessantes de ces maudits aptères, qui boivent votre sang sans jamais se rassasier ni se lasser. A force de précautions, j'avais pu me préserver de toutes les variétés de Piojos dont les prisons conservent et propagent les échantillons pour le cas improbable où l'Espagne en perdrait la race ; mais les faibles moyens de propreté que j'avais à ma disposition et qui m'avaient réussi contre les creeping things, comme les Anglais


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