De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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nitions ne s'exécutaient jamais, ou presque jamais, entièrement; d'ordinaire, on en était quitte au bout de trois ou de six mois, ce qui est déjà monstrueux, mais j'entendais assurer que chaque mise en cellule entraînait de droit, au début, un jeûne absolu de six jours; que, pendant six fois vingt-quatre heures, le condamné né recevait ni une bouchée de pain, ni un verre d'eau, et que, de plus, il était attaché de manière à ne pouvoir exécuter qu'à grand'peine les mouvements les plus indispensables. Que vous semble de ce simple détail, dégagé des interminables récriminations qui retentissaient à mes oreilles ? N'en dit-il pas assez, à lui seul, contre le système adopté dans le pénitencier de Bone ? Et encore, je supprime tout ce qui m'a paru dicté par l'exagération ; j'écarte les accusations toutes personnelles qui s'adressaient à l'administration ; je ne veux rien croire ni surtout rien dire des criminelles cupidités dont on l'accusait, des effroyables fantaisies, des cruautés invraisemblables, des ignobles préférences qu'on lui prêtait. Les rigueurs du régime normal permettent de mesurer la part que pouvaient se faire le caprice et l'arbitraire. Mais ce n'est là que le côté étroit, accessoire de la question, et je n'ai pas à m'en occuper. Assurément, il est commode et même consolant de rejeter sur une monomanie individuelle,


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