De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

tout entière ne lui avait pas offert un spectacle aussi édifiant que la chapelle mobile du fort Lamalgue : le mot était flatteur s'il était mérité, et je suis sûr que la modestie des communiants en souffrit quelque peu. La messe était finie, le piquet d'honneur avait regagné son poste et les condamnés militaires étaient remontés dans leur quartier ; le préau ne contenait plus d'étrangers. Aussitôt le groupe fortuné des communiants se porta dans un coin du promenoir, au pied de l'escalier, attendant avec anxiété la réalisation des promesses qui leur avaient été faites quinze jours auparavant. Allaient-ils enfin recevoir la récompense qu'ils avaient si noblement gagnée ? Serait-elle en argent? Quelle en serait l'importance ? Toutes ces questions étaient chaudement débattues, mais les prêtres étaient partis et le donatif ne se montrait pas. Les esprits commençaient à s'échauffer et le regret du saint devoir accompli se formulait avec une énergie fort peu respectueuse, lorsque le surveillant de service daigna annoncer que les communiants recevraient gratis à la cantine un morceau de cervelas et un quart de vin. La vérité m'oblige à dire que cette proclamation ne souleva pas un bien grand enthousiasme et que ceux qui n'étaient pas admis au festin ne ménagèrent pas les plaisanteries aux élus, qui, on peut le dire, n'étaient pas les meilleurs sujets des casemates. De leur côté, ces derniers ne se montraient pas


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