De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE P A R I S A CAYENNE

jésuitisme parce qu'il répondait la messe : « Qui n'en ferait autant pour un quart de vin ? » Décidément, il y a progrès, car les prétoriens, au temps des Césars, se montraient moins faciles à contenter, et, s'ils faisaient à leur gré des empereurs, ils exigeaient au moins d'opulents donatifs. De temps en temps aussi, l'Eglise avait le bonheur de convertir et de baptiser un Juif, et quand cela se présentait, la cérémonie revêtait un caractère de solennité inaccoutumé. Le parrain et la marraine étaient pris dans l'étatmajor, et, comme toujours, le rachat de ces âmes s'opérait aux mêmes conditions : le quart de vin et l'absolution générale des péchés antérieurs, plus l'espoir incessamment trompé d'une commutation de peine. Il est sans doute affligeant de voir des hommes faire marché de leur dignité, mais les victoires obtenues à ce prix sont rarement durables, et le clergé en particulier n'a guère le droit de se féliciter de ces recrues qu'il fait dans les casernes et dans les prisons, quand il est réduit à employer comme auxiliaires de ses prédications la brutale séduction du verre de vin. Le carême touchait à sa fin, Pâques approchait et dès lors on vit affluer les robes noires au fort Lamalgue. Il s'agissait de préparer les détenus de bonne volonté à la communion, et, comme l'aumônier n'aurait pu suffire à la besogne, le clergé de Toulon lui vint en aide. 8


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