De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

fut dirigé sur Martigues. Tout Marseillais a l'amour de sa cité, et Lange ne put se résigner à vivre ailleurs. C'était là que résidait sa famille, c'était là aussi qu'il pouvait trouver du travail. Il y revint sans autorisation et fut bientôt condamné pour ce fait à huit jours de prison. Rendu à la liberté au bout de la semaine, Lange continua à rester à Marseille, s'imaginant qu'il avait payé sa dette. Grande était son erreur. Il ne tarda pas à être arrêté de nouveau, comme si sa présence eût été un danger pour la sécurité de Marseille; mais cette fois, au lieu de le faire passer derechef en jugement, on le dirigea sur le fort Lamalgue, en attendant le prochain départ pour la Guyane. A Toulon, comme à l'île du Diable, je fis tout mon possible pour alléger la position de Lange, mais tous mes efforts se brisèrent contre les termes de l'arrêté préfectoral qui le frappait. Puis j'étais un pauvre protecteur. Ce malheureux ne survécut pas longtemps à son arrivée à l'île Saint-Joseph. La veille du jour où je repartis pour la France, il avait succombé à une maladie de poitrine, dont il portait le germe depuis longtemps et que le régime et le climat n'avaient pas tardé à rendre mortelle. Voilà un nouvel exemple à invoquer contre la surveillance, surtout dans son application aux détenus politiques ! Grâce à cette rigueur inutile, grâce aussi au décret de 1851, un malheureux prolétaire s'est vu ranger parmi les hom-


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