De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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Le personnel de la transportation s'accroissait peu à peu ; les voitures cellulaires et la gendarmerie amenaient de temps en temps de nouveaux colons pour la Guyane, et jamais je ne voyais arriver de transportés politiques. Je retrouvais bien deux anciens détenus de Bellelie, mais comme ils étaient en rupture de ban, ils étaient rangés dans la catégorie des repris de justice. Le premier était un nommé Marin, qui avait quitté Belle-Ile avant que j'y fusse moi-même, et qui, ayant à liquider une surveillance antérieure, fut atteint par le décret de 1851. C'était un pauvre diable de musicien ambulant qui vendait des allumettes quand il ne trouvait pas à faire payer les aigres symphonies qu'il tirait de son violon. Autant que je me le rappelle, il était mort bien avant mon départ de Cayenne. J'avais vu le second à Belle-Ile, où il était connu sous le nom de Lange, mais au fort Lamalgue il était entré sous un nom différent. A Belle-Ile, il comptait parmi les condamnés du complot dit de Marseille, qui signala d'une manière si fâcheuse l'administration d'Emile Ollivier, alors préfet des Bouches-du-Rhône, le même qui depuis se ht. nommer député de la Seine en 1857, et qui le premier, avec Darimon, passa sous les fourches caudines du serment. Condamné à huit années de détention, Lange se trouvait de plein droit soumis à la surveillance, et, à l'expiration de sa peine il


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