De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

avait arrachés à la résidence où ils subissaient la surveillance et qui, pour cela seul, quand il plaisait aux préfets, étaient transportés à la Guyane pour cinq ou d ix ans. Et véritablement, le châtiment, quoique motivé en apparence par une transgression de la loi, n'était pas en rapport avec le délit. De toutes les sévérités que l'empire a introduites dans le Code de 1810, il n'en est pas assurément dont la moralité et l'efficacité soient plus contestables que la peine de la surveillance. Quand la répression prendra le caractère d'humanité et d'intelligence pratique qui n'aurait jamais dû lui faire défaut, quand la peine sera non plus une vengeance, mais un moyen de réparation et de réforme, on comprendra qu'en entrant dans la société, le condamné soit accompagné d'une sorte de tutelle qui lui facilite le retour au bien et le défende contre des rechutes aujourd'hui presque inévitables. Mais cette protection officieuse, toute bienveillante, réclamée par tous les bons esprits, n'aura rien de commun avec la surveillance confiée aux mains peu scrupuleuses de la police. Pour qui connaît l'affreux régime de nos prisons, véritables écoles ouvertes par le gouvernement pour fabriquer des forçats, comme les bagnes sont des manufactures d'assassins, il y aurait à récompenser plutôt qu'à punir les libérés qui se contenteraient de rompre leur ban, et cependant c'est à eux que, depuis quelques an-


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