De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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peut avoir ses avantages en temps de siége, mais elles ne laissent pas d'avoir certains désagréments, comme on va pouvoir en juger. Éclairées sur la cour par une ouverture pratiquée dans un mur qui mesure au moins deux mètres d'épaisseur, elles auraient pu servir de glacière, n'ayant point à redouter le soleil, même au plus fort de l'été. L'ouverture, défendue par des barreaux de fer fort respectables, fermait tant bien que mal, plutôt mal que bien, grâce à un contrevent déjeté; quant à la porte, elle jouait assez aisément sur ses gonds, pour laisser passer le vent qui s'engouffrait dans le corridor, sans parler des rats gigantesques qui venaient nous courir sur le corps, et qui parfois s'amusaient à grignoter le nez ou les pieds des détenus dont le sommeil n'était pas facile à troubler. C'est au milieu de ce tombeau de pierre, sur les dalles humides qui servaient de plancher, que je déposai la paillasse qui composait tout mon lit. Inutile de dire que je n'étais pas seul et que je n'échappai à aucun des dégoûts qu'entraîne la promiscuité. Je passai une partie de la nuit à réfléchir au traitement délicat dont j'étais l'objet, à l'étrange milieu dans lequel j'étais réduit à vivre, à l'avenir que me promettait ce début. Cependant, j'étais bien décidé à ne pas même sembler le moins du monde atteint par ces indignités. Devant le parti pris que je devais sup-


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