De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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encourager une familiarité qui ne pouvait me convenir à aucun prix. Cette manière d'agir, qui s'accordait d'ailleurs, je crois, avec la justice et la convenance, me réussissait à merveille. Avant de savoir au juste ma position, la petite population du fort Lamalgue avait compris que, si je me trouvais avec elle au rendez-vous de Cayenne, je ne devais pas avoir pris le même chemin pour y arriver. C'en était assez pour assurer ma tranquillité ; je ne voulais rien de plus. J'avais encore à passer par une dernière cérémonie; un détenu militaire, qui remplissait les fonctions enviées de perruquier officiel, fit tomber mes rares cheveux sous son ciseau et n'abandonna ma tête qu'après m'avoir fait une coiffure ; à la malcontent, ce qui, du reste, était tout à fait d'à-propos. Quant à ma barbe et à mes moustaches, elles furent respectées; c'était un privilége, le seul assurément réservé aux transportés, quelle que fût leur catégorie. La journée s'avançait, et je craignais de voir prolonger jusqu'au lendemain le jeûne que je supportais depuis le matin, lorsqu'un surveillant m'appela à la cantine. Je me hâtai de répondre à l'invitation, et, sur l'invitation de mes co-détenus, qui paraissaient assez mécontents de n'en pouvoir faire autant, je gravis l'escalier, au haut duquel je trouvai un piquet de six hommes, caporal en tête, pour me conduire processionnellement à la bienheureuse


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