Mémoires de Billaud-Varennes

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Ne soyons pas surpris qu'ayant autant de gentilshommes ou d'oligarques pour premiers défenseurs, un bon prince ait perdu et le trône et la vie. Tous ces seigneurs venaient passer à Mexico deux ou trois mois dans la saison de l'hivernage, et n'osaient en sortir sans la permission de l'empereur; il fallait même qu'ils y laissassent en otage un de leurs fils ou de leurs frères pour garantie de leur fidélité : chacun d'eux était obligé, en conséquence, d'avoir une maison dans cette capitale, ce qui rendait la cour de Montézume plus nombreuse que celle de certains grands monarques de la petite E u r o p e , jadis si conquérante, et qu'un soldat sut conquérir. Il y avait alors dans Mexico trois sortes de rues principales, toutes larges et belles: les moins grandes n'étaient que des canaux coupés de plusieurs ponts , comme à Vénise et en Hollande ; les moyennes , bâties sur terre ferme, étaient sablées ; les plus grandes donnaient sur la terre et sur l'eau, la moitié, en longueur, servant aux gens de pied, l'autre étant destinée pour les bateaux qui apportaient des vivres fournies par les campagnes. La plupart des maisons avaient deux portes ou plutôt deux issues (car on s'y passait de serrures et de verroux ) , l'une vers la chaussée , l'autre vers le canal, où l'on s'embarquait en canot pour aller dans la ville , comme 1 on s'embarque en gondoles dans la cité fameuse dont le singulier chef épousait tous les ans la vénérable Adriatique. Quoique l'eau , à présent, soit proche des maisons , comme elle est moins potable qu'elle ne l'était autrefois, depuis, surtout, la saignée faite au lac et au peuple qui l'opérait sous le fouet des commandors, on amène l'eau douce à Mexico


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