Mémoires de Billaud-Varennes

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( 73 ) bon revenu, c a r , chaque j o u r , on en envoie une charrette pleine à la halle de Mexico , non pas en certaines saisons , comme en Europe , mais en tout temps, une même température régnant sous ce beau ciel presque toute l'armée , et l'hiver n'étant différent d'avec l'été que par l'abondance des pluies. Si nous savourions largement, dans les jardins , des fruits délicieux , on nous traitait, au réfectoire avec vingt sortes de poissons, de viandes et de confitures. Ces dernières, surtout, nous étaient prodiguées , avec du vin et des biscuits , pour mieux réconforter nos estomacs sacrés, q u i , sans cela, eussent été assez débiles. J'en attribue la cause, non-seulement à une fréquentation trop . libre du beau sexe, mais à la qualité des vivres. Nous observâmes q u e , deux heures après un long repas où nous avions fait grand honneur à une douzaine de plats, en bœuf, mouton, veau et gibier de toute espèce, notre estomac tombait en défaillance , de sorte qu'il fallait , pour le fortifier, prendre une tasse ou deux d'excellent chocolat, des morceaux de conserves, des tartines de confitures, des biscuits et du vin de Malaga , qui , Dieu merci, abondait dans notre cellier. Pourquoi les mets solides étaient ils si peu nourrissans ? Toutes les viandes nous semblaient aussi succulentes que celles de l'Europe; mais un docteur m'apprit : qu'elles étaient moins nutritives, à cause que les pâturages sont plus secs au Mexique, ou l'on n'éprouve pas les influences du printemps, d'où il advient que l'herbe est courte et se flétrit bientôt ; secondement, que le climat avait cette propriété, de produire beaucoup de bonnes choses, en apparence, mais , en réalité, peu de substance capable de nourir ;


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