Mémoires de Billaud-Varennes

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dans les rues de la ville, précédé d'un crieur qui publiait à haute voix son crime ; et, lorsqu'il arriva au milieu du marché , on l'entraîna sur un espèce d'échafaud , où on lui rompit les jointures avec un levier d'acajou. Les Espagnols furent surpris d'une justice si sévère, et en conclurent q u e , comme sur ce point les Tlascalans avaient desiré leur complaire, ils seraient disposés de même à les aider dans la conquête et à renverser Montézume. Voila, sans doute , comme un petit voleur, contribuant à bâter la ruine d'un prince malheureux , sut enrichir de grands coquins. On voit, à deux lieues de la ville, une montagne ronde , qu'on appelle à présent le Saint Barlhélemi : elle a, dit-on, deux mille toises de hauteur, trente-six lieues de tour, et son sommet est sans cesse couvert de neige. Les Indiens la nommaient Matealcuci , nom qu'ils donnaient au dieu de l'eau. Celui du vin s'appellait Ometolcheli, et ils l'aimaient beaucoup, le vin. Ils donnaient à leur dieu en chef le nom de Kamatlo , et des historiens prétendent qu'on lui sacrifiait des hommes. Trois langues étaient en usage parmi ce peuple: la première le nahua, était à l'usage des grands de Tlascala et de tout le Mexique ; la seconde , l'otonziro , était celle des villageois ; la troisième, le pinomer, n'était qu'un langage grossier qu'on pariait seulement dans les marchés de Tlascala. Elles sont encore usitées parmi les Indiens et les créoles. Quoique le sol de ce pays soit gras, fertile en grains, en fruits, en pâturages, les Tlascalans sont pauvres ; les Espagnols, au contraire, sont riches, et leurs prêtres très-opulens. Ces malheu-


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