Mémoires de Billaud-Varennes

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( 29 ) ou emportés en pleine mer, leurs amarres ayant été rompues par la force des vents. Le Saint-Antoine en fit l'épreuve la nuit d'après notre débarquement, et nous fûmes heureux de n'être point sur ce navire , car il s'était tout-àcoup élevé une tempête si terrible, qu'elle rompit les cables du vaisseau et l'emporta au-de-là du Vieux-Hâvre. Nous, qui étions à terre, croyons à tout moment que cet orage allait nous enlever avec nos lits de cannes, de plumes, et de mousseline: nos légères maisons de bois tremblaient si fort, que nous nous attendions, de minute en minute, à les voir s'écrouler sur n o u s , et notre frayeur fut si vive de nous sentir ainsi bercés, que nous fûmes contraints de nous lever au milieu de la nuit pour nous enfuir tout-nus dans le jardin, où n'ayant pas de mousticaires, nous nous sentîmes dévorés par des légions de moustiques, secondés par des maringouins. Au. déjeuner, les religieux du couvent, accoutumés à ces bourrasques, se moquèrent de nous en nous disant qu'ils ne reposaient jamais mieux qu'ait branle de leurs lits causé par ses tempêtes. Le soir du second jour, l'évêque nous fit inviter à venir voir jouer la comédie dans son église cathédrale, où l'on représenta un ouvrage sacré dans le genre de nos mystères, et qui était intitulé : les noces de Cana ( 1 4 ) -

Dès l'aurore, le jour suivant, quarante bonnes mules, envoyées tout exprès pour nous de Mexico à Saint-Jean- d'Ulna , ayant été chargées de nos saintes personnes et de notre butin , nous prîmes, au son des trompettes , le chemin de la capitale, par une route dont les quatre premières lieues se font dans un sable mouvant, mais qui est aussi


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