Mémoires de Billaud-Varennes

Page 394

(

164)

calme, et j'écoute avec l'intérêt que je lui dois, le récit de ses infortunes. « Banni pour une noble cause, et vous croyant abîmé pour jamais dans le gouffre du Saint-Office, j'errai long temps, avec votre certificat de libération , de bourgade en bourgade , en diverses provinces , et surtout dans l'Yucatan , exerçant à la fois les métiers de carillonneur, de sacristain et de maître d'école. J e gagnais peu, et j'avais du mal comme un nègre : je m'enrôle à Campèche sur un corsaire indépendant, qui s'y trouvait alors sous pavillon anglais. Nous courons l'océan jusqu'aux parages de Cadix, où. nous ne prenons rien: j'ai l'honneur , en passant, de saluer la terre où croissaient à la fois, sous la main d'un César, des lauriers pour orner les braves et des braves pour les cueillir... Buvons à leur santé ! » — Diantre ! mon cher ami, est-ce que tu serais Bonapartiste ! — J e suis, par vous, et je veux toujours être indépendant. — Bravo ! « En rôdant vers les Canaries, nous capturom un négrier péninsulaire, comme vous dites, chargé de deux cents noirs et d'un baril de poudre d'or : nous le ramenons sur la côte de cette Afrique où naquit mon malheureux père, nous y rendons la liberté à tous les nègres , en leur donnant les armes des marchands d'hommes, nous y Oublions ces derniers, sans oublier la poudre, si utile en paix comme en guerre, e t , revenant par St. Domiugue avec une prison flottante et vide, nous la vendons au Port au-Prince, ou Pétiou gouverne un grand nombre de mes pareils avec tant de sagesse... » —L'as-tu vu, ce républicain?.. — Cinq à six fois ; et comme il est très-accessible, j'ai même pris la liberté, sachant bien qu'il vous


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.