Mémoires de Billaud-Varennes

Page 35

( 21 )

à l'entrée de la nuit : nous vous enlèverons à vos tyrans , qui semblent avoir oublié corabien il est dur d'être esclave. » M. Gilson nous remercia vivement, et parut répandre des larmes. De retour à la case du chef haïtien, je racontai, à part, cette aventure au père Antonio, qui approuva beaucoup notre projet. En conséquence, nous prolongeâmes notre conversation jusqu'au crépuscule du soir: le chef était sorti, rentré, sans avoir paru être instruit de ce pieux dessein. Il nous accompagna, sans suite, jusqu'à l'embarcadaire, nous laissa regagner notre canot, nous dit adieu , en nous souhaitant bon voyage, et r e prit aussitôt le chemin de sa case, sans regarder derrière lui. A peine l'avons-nous perdu de v u e , qu'à la faveur d'un clair de lune, mon ami Chrisostôme et moi, nous sortons du canot sans bruit, faisons cinquante pas vers un buisson de mangliers, où notre esclave blanc des tyrans noirs devait s'être caché, et l'appelions à demi-voix. Point de réponse; personne ne paraît; mais, tout-à-coup, nous sommes accueillis par une fusillade, que l'on dirige, à travers le buisson , sur nous et sur nos frères. Blessé légèrement et rempli d'épouvante , je revole vers le canot avec mon camarade, qui n'avait aucune blessure, et, malgré cent coups de fusil, dont aucun ne put nous atteindre, nous regagnons le Saint-Antoine, où il s'était également passé d'étranges choses, que le roc de la Grange avait dérobées à nos yeux. Hélas! pendant la messe et le sermon, le repas et la promenade, ce traître de chef noir avait ordonné à ses gens, montés sur trente barques, de piller le navire En un quart d'heure, les coquins avaient ravi le jacobin femelle, notre


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.