Mémoires de Billaud-Varennes

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( 101 ) « Vous êtes dénoncé au grand bureau : tenezvous sur vos gardes, » Ce peu de mots ouvre pour moi un vaste champ de conjectures, et je le parcours vainement avec don Chrysostôme. — Attendez... la visite de notre official ... — Oh ! j'ai réponse à tout. — Mais la correspondance ? — Correspondance indéchiffrable ; on ne l'a pas saisie, d'ailleurs : qu'aurais je à craindre ? . . . — R i e n ... cependant, brûlez certaines lettres ... Je livre également au feu quelques notes philosophiques, après les avoir copiées, très-fin, en sympathique , sur les marges de mon bréviaire; et je place sous mon chevet, pour me tenir plus ferme en cas de route , une bonne ceinture, brodée intérieurement de mes économies, en or et diamans, parce qu'à tout hazard , commis voyageur pour l'église, c'est-à-dire, missionnaire, j'avais pris l'habitude de convertir ainsi mes plus grosses espèces. On ne peut prendre, hélas ! trop de précautions, dans un pays où règne l'arbitraire, où l'on n'est jamais sûr de conserver le peu de bien que l'on possède, ni même la propriété de son individu. Me voilà prêt à tout événement. Trois semaines s'écoulent depuis l'alerte, rien ne confirme cet avis, et je le prends pour une fausse alarme donnée par un brave homme qui me croit imprudent, ou par un ennemi secret qui veut m'inquiéter... Bah ! on ne pense pas à moi, et j'aurais tort... On y pensait ... Un beau matin, au point du jour, plusieurs coups violens heurtent soudain contre la porte de ma chambre, m'éveillent en sursaut, et j'entends retentir ces mots terribles que j'avais prononcés moimême en quittant jadis Mexico : « Sainte Hermandad ! »


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