Mémoires de Billaud-Varennes

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( 90 ) un monstre demoins dans ce pays. D'ailleurs, mon père, dans ma jeunesse ( il n'a pas vingt-cinq ans ), ces sortes de combats n'étaient qu'un jeu pour moi, comme pour mes compatriotes. Avec un peu d'adresse , on tue facilement ces bêtes, dont l'écaillé n'est dure que sur le dos. Le défunt caïman était gros, à peu près, comme un mulet de bonne taille, et avait dix neuf pieds de long. — Tu me feras penser à décrire, au retour, cet animal, que tu connais si bien ; ce sera une note (25) pour l'ouvrage que je médite sur l'Amérique que possède aujourd'hui l'Espagne.—Oui, aujourd'hui , et depuis bien long - temps ; mais savoir si demain... — Qu'oses-tu dire — J'entends causer les créoles, les Indiens , nos pauvres noirs surtout, qui sont si fatigués des blancs !... — Heim ? suis-je noir, monsieur? — Vous méritiez de l'être , car vous êtes sincère et bon comme e u x ; c'est ce qu'ils disent tous, sans flatterie ni amour propre. — Si je suis bon, tant mieux pour moi. — Et pour les autres : pendant que vos pareils, pour la couleur... — Taistoi , ou parlons d'autre chose : on s'accoutume à fronder entre soi, et puis on politique ouvertement ; alors la sainte vous absorbe. — Nous parlons bas sur ce chapitre avec mes camarades : Si j'écrivais ce que je sens , ce que je vois , certes, je risquerais ma tête noire .. — Une parole, avec la dame en question , peut perdre un homme. A propos , il faudrait, sans négliger les écolières, te perfectionner sur la langue française : tu copierais mes notes. — En commençant par celle où vous peindrez cet ocroubo, qui vous a fait une si belle peur... — Fort bien , tu te moques de moi. Mais puisque je suis bon, comme on a la bonté de te le


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