Mémoires de Billaud-Varennes

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(84) pourriez bien me dire ce que l'auteur d'Émile disait à la sonate : Cierge, que me veux-tu ? Les ecclésiastiques ne sont pas les seuls qui s'engraissent aux dépens des laborieux et maigres Indiens ; mais , généralement, tous les fiers Espagnols, qui, la plupart, étant oisifs et paresseux, s'enrichissent à volonté du travail de ces pauvres gens, les chargent de tous leurs ouvrages, inventent chaque jour quelque nouveau prétexte pour rapiner sur eux, leur enlèvent en un instant la meilleure partie de ce qu'ils ont acquis avec beaucoup de peine, et les tondent enfin comme des mérinos. Depuis le vice-roi , jusqu'au dernier commis, combien de loups , pour un mouton ! Et ce mouton encore, pour n'être pas montré au doigt par ses compatriotes , doit affecter , aux yeux des Indiens, le ton de l'ours et la morgue du paon. On amis des impôts sur tout, excepté sur les sauterelles , qui ravagent souvent cette contrée, excepté aussi sur la fièvre nommé tabardillo, qui désole par fois mainte bourgade, excepté même sur les uracanas, qui renversent toujours des arbres, des maisons, excepté enfin sur les suites des éruptions volcaniques, des tremblemens de terre: mais, frappé d'un de ces fléaux, si l'on échappe à de nouvelles taxes, on n'esquive jamais de nouvelles offrandes Au milieu d'un de ces désastres, le curé, s'il n'est pas sensible, pleure d'un œil et rit de l'autre: messes, processions, prières, tout est employé , tout rapporte. Une tabardillo des plus malignes devint, surtout à Petapa , très-lucrative, par les vœux et les dons, et, dans l'espace d'environ trois semaines, nous enterrâmes une centaine de chrétiens à 3 dollars , l'un dans l'autre, par tête. Huit jours après,


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