Mémoires de Billaud-Varennes

Page 290

(60) je vous jure... — Un serment est vain , de la part d'un homme sans foi, d'un barbare tel que vous êtes : je veux bien, cependant, par excès d'indulgence, non vous rendre ce noir, dont vous ne faites qu'un martyr; mais tolérer, pour cette fois, votre conduite impie, à deux conditions....— Lesquelles ? — Ne pâlissez point, je ne demande pas d'argent, et je vous en offre au contraire... —. Ah î ah ï — Vendez-moi cet esclave, et devenez humain...— Très-volontiers , il m'embarrasse, me contrarie, et... quel prix m'endonnerez-vous? — Un procès-verbal du délit réduirait fort votre exigence ; mais je veux être juste, même envers des hommes iniques : parlez. — Quatre cents piastres.—Comment ! — I l me les a coûté l'année dernière. — L'infortuné est couvert de stigmates, incapable de travailler , de vivre encore un an...— Bon ! ces gens-là repoussent comme les arbres que j'émonde , et ils ont l'âme chevillée dans le corps; vous le savez. — Comme la vôtre l'est dans votre coffre-fort... Mais terminons : acceptez la moitié de cette somme, ou un procès-verbal entier.— J'accepte deux cents piastres. -— Rentré au presbytère , je prends dans ma caisse d'épargne, la liberté d'un homme, et m'avance sur le balcon, au bruit soudain qui se faisait entendre. C'étaient les Petapas qui revenaient des champs, qu'on instruisait de l'aventure, qui honnissaient l'espagnol détesté, en se joignant à Chrysostôme, à l'alcade, au bedeau, à vingt commères. J'ordonne le silence, raconte le beau trait de mon sonneur, passe du noir au blanc, jète la bourse à ce dernier, qui prend bientôt la fuite, et j'achève ainsi mon discours : « Henri-Paul-Azor Varennas a bien mérité de ses frères, de la religion et de


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.