Mémoires de Billaud-Varennes

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( 58 ) tira aussi facilement de cette affaire, parle moyen de son argent, que s'il n'avait tué qu'un chien. Plus féroce qu'un tigre , qui l'est pour assouvir sa faim , il mêlait à sa soif de larmes et de sang , une étrange lubricité ; toutes les femmes de ses noirs ou de ses mulâtres étaient les siennes un moment : rencontrait-il à Guatimala, où il allait souvent pour son commerce, une jolie esclave, il la sollicitait ; s'il était éconduit, il la forçait dé lui nommer son maître ou sa maîtresse, e t , prodigue alors par vengeance, il l'achetait, quelque fût le prix demandé , et lui disait, en l'enmenant dans sa tannière : « Nous rabaisserons bien cette fierté, en un mois d'esclavage ! » Célibataire, sans parens , il voulut demeurer garçon , pour posséder autant de femmes qu'il le pouvait ; et pas une de ses voisines n'osait le refuser , car il pouvait beaucoup ; si bien qu'il remplit la vallée de bâtards de toutes couleurs , qui sauront dissiper un jour avec beaucoup de joie et peu de gratitude, les trésors qu'il sut amasser avec autant de cruauté que d'avarice. —Mon père...— Eh bien, Azor ?— L'homme méchant, qui vous avait promis de ne plus pendre et déchirer le malheureux Moco, n'a pas tenu parole: il allait le tailler encore , pour avoir mangé un pinas tombé à terre ; mais Moco s'est sauvé jusqu'à l'église, où Palomèque le poursuit. Veuillez...— Il n'oserait l'arracher de ce saint asyle ; je vais pourtant, m'y présenter. — ( En marchant : ) Daignez , maître à moi, m'accorder une grâce...— Maître à moi ! vous aviez perdu l'habitude de jargonner, mais vous êtes fourré sans cesse avec nos petites créoles, et... De quoi s'agit il ? — J e voudrais acheter Moco avec l'argent que j'ai déjà gagné d'ans mes trois places ; mais je n'ai pas assez , sans


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