Mémoires de Billaud-Varennes

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uni; mais comme notre dernier hôte nous avait conseillé d'aller à Chiapa, où nous avions des frères de notre o r d r e , dont les chefs étaient bienveillans, et où nous pourrions exploiter les suites d'une épidémie, en attrapant chacun une petite cure, ou du moins un vicariat, nous dirigeâmes notre marche vers les hautes montagnes qu'on nommeQuelenas, lesquelles font partie de la chaîne des Cordilières. Pour gagner Tapanatepec, situé auprès de ces monts, il faut d'abord traverser une plaine trèsétendue et découverte du côté de la mer ; mais un vent du sud qui en vient, souffle avec tant de force, qu'il oblige par fois le voyageur à quitter sa monture, et que personne ne demeure dans ce désert, où la violence du vent renverse les maisons, ce qui n'empêche pas que cette plaine inhabitée ne soit remplie de bestiaux tant sauvages que domestiques. Nous soupâmes le premier jour en pélerins, à rase terre, près d'un ruisseau, nous dormîmes sur le gazon, édredon de la providence, comme dit l'auteur d' Atala, nous n'y craignîmes pas les maringouins (55), car l'haleine du vent les chasse, et, le lendemain , vers le soir, nous pressâmes le pas de nos chevaux pour atteindre Estepec. Hélas! mon palefroi étant moins vigoureux que ses cinq camarades, je restai derrière leurs maîtres, qui, croyant que je les suivais, se hâtaient d'arriver au bourg avant la nuit, tandis que mon coursier, rétif par excès de fatigue, voulait à tout moment s'abattre et se coucher. Je ne croyais pas être loin de la bourgade; je mis donc pied à terre pour le conduire par la b r i d e , mais l'animai se coucha aussitôt, et ne voulut jamais se relever. Me voilà fort embarassé ; car si je me hasarde à


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