Mémoires de Billaud-Varennes

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dienne jusqu'à la lin du j o u r , et marchâmes ensuite toute la nuit, autant par un reste de crainte, que pour éviter la chaleur. Mais, dans la suite, nous partions dès l'aube naissante, et. ne nous arrêtions que de dix à deux heures, ce qui nous permettait de contempler la beauté rarement interrompue des superbes campagnes dont, chaque jour, se composait notre horizon. Telle est la vallée d'Àlisco et celle de Saint-Paul, où l'on fait chaque ann é e , deux moissons de froment; tel est le canton de Tasco et celui de Chautla, où l'on récolte du coton en abondance et d'excellente qualité; tels sont les districts renommés de Tumpango et de Mistec, où l'on recueille une étonnante quantité de coton et de soie, de cacao, de cochenille, de cire, de sucre, de miel, et où l'on trouve encore , dans les cuirs d'un bétail nombreux et par, d'autres productions égales aux premières, la matière d'un grand commerce, qui serait florissant, s'il jouissait d'une liberté raisonnable. D'Alisco à Guaxaca, on rencontre cinq à six villes, dix bourgs et autant de villages; mais nous logions de ferme en ferme, pour plus de sûreté et par économie; car il ne nous en coûtait rien, tout au contraire, par la vertu du mot opposé à dé-

pense (53).

Conduits un beau matin, par le hasard , chez un de ces fermiers pour déjeûner à la hussarde, il nous apprit, en bon vivant qui s'amusait de l'aventure, que Boniface, le premier déserteur de notre compagnie, avait logé chez l u i , deux jours auparavant, avec une petite mule, un petit magot rondelet et une petite créole (dernier mot qui sut arracher un gros soupir au peu sensible Chrisostôme); et qu'il avait eu l'obligeance de travestir le séducteur en muletier. Il se t r o u v a , dans la


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