Mémoires de Billaud-Varennes

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( 1o4 ) publicain, encore que les habitans de Mexico aient é t é , de tout temps, trop adonnés à leurs plaisirs, ils n'ont jamais cessé de l'aire du bien à l'église, au clergé, à tous les couvens. Les uns faisaient édifier dans les chapeiles des saints qu'ils affectionnaient, de superbes a u t e l s ; les autres présentaient une couronne d'or à chaque image de la Vierge ; ceux-là donnaient des chapelets de perles, ou des lampes d'argent; ceux-ci bâtissaient un couvent ou le faisaient rétablir à leurs frais; d'autres, enfin , édifiaient une église paroissiale et la dotaient d'un revenu. Ils voulaient tous , dit-on, par leur conduite , devenue si édifiante, réparer leur vie scandaleuse , et éviter par ces bienfaits le châtiment que méritaient leurs crimes. Entre ces bienfaiteurs d églises, ]e citerai Alonzo Quiliar, fameux négociant. Il avait, m'a- t-on dit, pour me donner sans doute une idée de son opulence, un cabinet tapissé de lames d'argent et carrelé de lingots d'or : il fit bâtir un monastère pour des religieuses, qui lui coula sept mille portugaises , et qu'il renia d'une somme considérable, à la seule condition qu'elles y feraient dire après sa mort une messe quotidienne pour la paix de son âme. Cet homme libéral était tellement libertin , que, sept lois par semaine il changeait de maîtresse, qu'il allait fêter chaque nuit sa conquête du jour , et q u e , portant son chapelet dans ces sorties libidineuses , il en laissait tomber un grain à certaines minutes, pour savoir, en se retirant, le nombre exact de ces péchés nocturnes. Les oeuvres de ténèbres finissent tôt ou tard par être mises en lumière : l'amour ou l'intérêt, la jalousie et la vengeance guettèrent tour-à-tour le séducteur doré ; les dernières l'ayant suivi dans la


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