Journal des débats et lis de du corps législatifs

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294 de limiter à six mois les mesures de sûreté; et c'est l'absence de cette disposition, qui a produit la mesure extra-constitutionnelle du- 18 fructidor. On a pensé alors que la République n'est pas liée dans ses mesures quand il s'agit de son salut : mais le danger étant passé , il est temps de mettre un correctif à ce qui fut fait dans des circonstances différentes. Les déportés, dépouillés irrévocablement de leur caractère public , ne sont plus que des individus : donc le coup d'état est consommé à leur égard , et aucun coup d'état nouveau ne doit plus les frapper. Cependant la résolution les déclare émigrés, s'ils ne se soumettent au décret de déportation. Mais l'émigration est un fait : on ne peut émigrer par assimilation. Ceux qui se sont soustraits à la loi qui les déporte ne sont que de simples contumax : la confiscation et la mort ne peuvent donc leur être appliquées. La confiscation judiciaire exige une condamnation préalable : or les déportés n'ont pas été jugés. La confiscation politique doit être précédée d'une admonition : or aucune admonition n'a précédé la loi du 19 fructidor. On dira peut-être que la résolution répare cette omission. Il n'y a pas d'omission dans la loi : elle a prévu le cas où lesdéportés se soustrairoient à la déportation ; elle a voulu qu'alors ils fussent traités |comme contumax , et que leurs biens demeurassent séquestrés jusqu'à ce qu'ils obéissent. Les principes que je viens d'exposer s'appliquent aussi à la peine de mort : elle ne doit pas être prononcée sans qu'une loi antérieure au délit n'en ait menacé. On s'est d'ailleurs trempé sur la nature de leur déportation. Ce n'étoit pas dans les colonies qu'il falloir conduire les dép o r t é s , car la déportation est l'expulsion du territoire national ; c'étoit dans l'étranger. Les agens de la République eussent veillé à ce qu'ils demeurassent dans le lieu qui leur auroit été indiqué. Pourquoi leur infliger une peine nouvelle? L'existence misérable qu'ils traînent depuis 14 mois ne doit-elle pas suffire ? Faut-il leur porter des coups qui retombent sur leurs familles? Ils sont contumax enfin , et à ce titre ils rentrent dans le droit commun , qui ne punit pas la contumace , qui ne punit pas l'évasion. Sous la Convention , Amar proposa de déclarer hors la loi un proscrit du 31 mai qui s'étoit évadé de prison. Bazire s'écria que l'évasion tenoit à la défense naturelle et ne pouvoit être mis au rang des crimes. La Convention passa à l'ordre du jour. Au surplus, la résolution est inutile , puisque les absens peuvent être inscrits sur la liste des émigrés.


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