Journal des débats et lis de du corps législatifs

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189 être forcé à se présenter en jugement ; ici non-seulement on l'y contraint , mais encore on cumule contre lui deux peines. ( Murmures. ) Ronchon : Ce que je vous dis est dans le rapport de Pou'lainGrandprey; ainsi les murmures qui s'élèvent contre moi retombent à plomb sur lui. Il nous dit que la loi du 19 fructidor, en prononçant la déportation contre les individus saisis à cette époque , n'a pris aucune mesure pour assurer son exécution ; qu'il faut pour cela une garantie , une nouvelle disposition pénale. Mais cette disposition pénale n'existe-t-elle pis ? La déportation prononcée n'est-elle pas une peine ; et se conduire de la sorte , n'est-ce pas dire à un homme condamné à la guillotine et qui se sauve: Si. vous ne venez de vous-même mettre votre tête sous la hache de la mort, nous vous ferons écarteler. ( Violens murmures. ) Lesage-Senault s'écrie : A l'ordre l'orateur. Rouchon : Je suis bien étonné de ces murmures , tandis que je ne fais que développer le systême de Poullain-Grandprey. Selon lui, la peine de déportation ne suffit pas , il faut encore celle de la confiscation. Mais si celle-ci est insuffisante , il faudra prononcer la peine de mort; et si tous ceux contre qui on la prononcera , refusent de venir porter leur tête sur l'échafaud , il faudra donc faire comme ces rois des Indes, qui ramassent tous leurs sujets sur les frontières , en forment un cordon , pour prendre les bêtes féroces qui , se trouvant cernées de routes parts, se réfugient au centre du cercle tracé autour d'elles. J'ai lu les fastes de l'empire ottoman ; je n'y ai jamais vu que le grand-turc ait ordonné aux pachas dont il vouloit se défaire , de venir prendre le fatal cordon ; il se contente de le leur envoyer. J'artaque le projet comme contraire à la constitution , puisqu'il prononce deux peines pour le même délit, et qu'il est entaché du vice de rétroactivité. \ On dit : En ordonnant le séquestre des biens des déportés la loi du 19 fructidor, sans doute, avoit en vue leur confiscation. C'est un sophisme. Le rapporteur n'a pas saisi le sens et l'esprit de certe loi. La mesure du séquestre par elle ordonnée étoit conforme aux circonstances, celle de la confiscation ne l'était pas. Celle-ci de sa nature est perpétuelle ; l'autre , au contraire , n'est que momentanée. Je m'explique. Lorsque Condorcet publia son projet de constitution , il proposa que les peines infligées aux criminels d'état n'eussent d'effet que pour six mois. Son motif étoit que ces crimes étant un effet des circonstances , les peines infligées dévoient cesser avec elles. Mais alors on ne s'imaginoît pas que la constitution ne seroir qu'un vain mot , et qu'elle devoir, ressembler à. un meuble pre-


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