Revue coloniale : Deuxième série : Année 1848

Page 39

— 31

-

ciale que vous vous efforcez d'établir. Que faites-vous cependant ? Assurez-vous au moins au peuple anglais ce bon marché du sucre qui, dites-vous sans rougir, est le principal objet de vos efforts ? Je me rappelle que le représentant de King's Lynn, lord Georges Bentinck, parlant des pernicieux effets de la loi de 1846, disait, quand elle fut présentée, qu'avant deux ans le gouvernement serait obligé d'y apporter des modifications. A la manière dont cette allégation fut reçue par le ministre dirigeant, on aurait pu croire qu'il s'agissait de la loi sur l'habeas corpus. Lord John Russell chercha à ridiculiser l'idée qu'il lût possible de revenir sur une loi si importante, sur une loi de principe; et aujourd'hui, lorsque deux années se sont écoulées, nous voyons le même ministre présenter à cette assemblée un projet de loi pour réformer cette législation de 1846, soidisant immuable; nous le voyons déserter le grand principe qu'il avait posé, sans remplacer ce principe par un autre. Quel a été le résultat de votre législation? Il a été tel que je l'avais souvent prédit. Avocats du libre-échange et du bon marché du s u c r e , adversaires de la protection et du monopole, vous avez, par le fait, établi un droit différentiel en faveur du sucre de Cuba et du Brésil. Oui, c'est l'honorable représentant de Manchester qui, parlant comme si la grandeur de l'Angleterre dépendait de la loi de 1846, et comme si le bon marché du sucre était la seule consolation accordée au peuple anglais pour toutes les méprises qu'a faites le parlement, c'est lui, dis-je, et ses amis qui sont les avocats d'un droit différentiel en faveur de Cuba et du Brésil, et qui finiront par donner à ces deux pays le monopole du marché du sucre en Angleterre. N'a-t-on pas sujet d'être frappé du plus grand étonnement, lorsqu'on se rappelle quels sont ceux qui ont pris une si grande part à l'abolition de l'esclavage, et qu'on voit aujourd'hui certains organes du même parti devenir des avocats éloquents de l'importation, en Angleterre, des sucres étrangers provenant du travail forcé? Est-il possible que ce même parti qui s'est tant agité pour accélérer l'émancipation, laisse dire aujourd'hui par ses représentants que le peuple anglais s'enquiert, en ce moment, des lieux où le sucre est produit à plus bas prix, mais ne s'inquiète, en aucune façon, des moyens employés pour cultiver la canne à sucre, ni des circonstances au milieu desquelles le sucre est fabriqué ?


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.