Revue coloniale : Deuxième série : Année 1848

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— 166 — « En ce moment, dit ce journal, les colonies des Indes occidentales sont dans un état de ruine. Les propriétés ne se vendent point ; les planteurs n'ont plus aucunes garanties à offrir pour contracter des emprunts ; les créanciers ne peuvent réaliser les intérêts de leurs créances ; les planteurs ne peuvent obtenir aucune avance d'argent pour faire leurs récoltes, dont le produit ne couvrirait même pas les frais de production. « On dira que ces malheurs ne sont que passagers ; qu'ils portent en euxmêmes le principe de leur propre guéri son ; que nous ne les avons pas occasionnés par notre faute ; que, dans tous les cas, nous ne pouvons pas revenir sur le passé. D'autres diront qu'il est de notre intérêt comme de notre devoir, d'adopter des mesures pour venir au secours des colonies. « Il serait inutile de répondre au premier de ces arguments par un relevé des prix des sucres des colonies à esclaves pendant les sept dernières années, ou par tout autre tableau statistique. Il suffit de faire remarquer que, si passager que soit le mal signalé, la constitution des colonies occidentales est trop épuisée pour pouvoir le supporter. Il est très-peu important pour les planteurs de savoir quel sera le prix du sucre dans deux ans, attendu qu'il est fort improbable qu'ils produisent encore du sucre à cette époque. « Quant à savoir qui est coupable de cette situation, les planteurs seraient en droit, en supposant qu'il fût convenable de discuter sur la cause d'un incendie tandis que la maison est en feu, de se prévaloir de la sympathie publiquement, avouée qu'inspirent leurs maux, comme d'une indication suffisante de l'opinion, générale sur ce sujet. Ou les planteurs sont indignes de la pitié qu'ils inspirent, ou ils méritent d'être secourus. « On a souvent présenté leur situation sous un aspect tout à fait mensonger. On a dit que, si nous protégions les planteurs des Indes occidentales anglaises contre ceux de Cuba et de Porto-Rico, nous ne pourrions jamais les protéger contre ceux de Maurice et de Java, et que ce serait entreprendre l'impossible que de vouloir maintenir artificiellement les intérêts de nos colonies contre le monde intertropical tout entier. Ce raisonnement va an delà du but. La question n'est pas la. Personne ne nous demande de garantir aux celons des Indesoccidentales une prospérité commerciale ou d'assurer à leurs produits un prix toujours rémunérateur. On ne nous demande même pas de les indemniser du mal que nous leur avons fait. On nous invite simplement à les relever de l'impuissance dont nous les avons frappés. « Voici comment s'exprime le comité : Nous ne vous demandons ni protection ni faveur. Vous avez désiré établir la liberté du commerce des sucres, nous n'aurons pas de querelles avec vous sur ce point. Seulement, accordez-nous le bénéfice de vos vues éclairées. Levez toutes les prohibitions. Vous avez clairement établi votre indifférence quant à la manière dont on produit le sucre que vous consommez. N'intervenez donc pas dans nos méthodes de production. Rendeznous le travail forcé dont vous nous avez privés. Il n'y aurait rien de déraisonnable de notre part à vous demander de payer les frais de votre expérimentation, mais nous ne désirons rien de plus que d'être laissés entièrement à nous mêmes. Votre besoin avoué est d'avoir du sucre à bon marché. Vous l'aurez à meilleur marché encore par la concurrence du travail forcé avec le travail forcé, que par celle des esclaves avec les hommes libres. Ce qu'il nous faut, ce n'est pas la protection, c'est la liberté du commerce. Nous ne vous demandons pas de mettre les mains dans votre échiquier pour venir à notre secours par une indemnité pécuniaire. Nous ne vous demandons pas que vous vous imposiez aucune contribution pour nous aider ; nous ne vous demandons pas de réparer à vos dépens le mal que vous avez fait. Lorsque vous avez pris en horreur les produits du


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