Revue coloniale : Deuxième série : Année 1848

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— 159 — était confie. Le fait est que l'émancipation des esclaves dans les colonies françaises a eu, dans les îles danoises, un retentissement et y a excité une émotion tels, qu'il n'a pas été possible de différer d'y proclamer l'abolition de l'esclavage. Nous empruntons, sous toutes réserves, à l'Anti-SlaveryReporter du 2 octobre 1848, le récit des événements à la suite desquels l'affranchissement immédiat des esclaves danois a été prononcé. « Les noirs, dit ce journal, croyant que le décret pour leur émancipation avait été apporté du Danemarck, mais qu'il était soustrait par les maîtres ; stimulés, d'ailleurs, par les événements qui avaient eu lieu dans les colonies françaises voisines, prirent la résolution de s'assurer du fait par eux-mêmes, et ils se rendirent en corps à la ville. Tous les témoins s'accordent à dire qu'ils n'étaient point armés et que leur attitude était paisible. Mais diverses circonstances contribuèrent à répandre dans leurs rangs une grande excitation, et, finalement, le gouverneur crut devoir user des pouvoirs dont il était investi pour proclamer l'émancipation. Cette concession satisfit les noirs, mais ne satisfit pas les planteurs irlandais et écossais, qui refusèrent de faire loyalement l'épreuve du nouvel ordre de choses. La milice prit leur parti, et une collision eut lieu. Dix ou douze noirs furent tués. « Cette exécution excita au plus haut point l'irritation des Africains ; ils mirent le feu à plusieurs plantations. De nouveaux conflits occasionnèrent une nouvelle effusion de sang. Cent trente-et-un noirs furent, dit-on, victimes de ces luttes où pas un seul blanc ne succomba. Pour mieux assurer l'oppression des affranchis, l'administration de Sainte-Croix a demandé au comte de Reus, le célèbre caporal Prim, gouverneur de Porto-Rico, l'envoi d'un corps de troupes, et celui-ci a, en effet, embarqué pour les colonies danoises 600 hommes d'infanterie et 100 sapeurs avec 2 obusiers. Les noirs ont été obligés de céder devant cette force imposante augmentée de la milice coloniale. Ils sont actuellement soumis aux règlements les plus sévères dont l'application les a jetés dans le désespoir et leur semble plus dure que l'esclavage même. Quel que soit le triomphe passager que les planteurs ont remporté, il est évident, qu'en définitive, leur victoire leur coûtera cher. S'ils avaient saisi l'occasion de la proclamation du décret par lequel l'émancipation était reculée de douze ans pour accorder, de leur propre mouvement, la liberté aux noirs, il n'est pas douteux que ceux-ci ne se fussent entendus volontiers avec leurs anciens maîtres pour continuer le travail à des conditions satisfaisantes pour les deux parties. Aujourd'hui, le ressentiment de la violence qu'on leur a faite vit dans le cœur des affranchis, et c'est vainement qu'on les retient de force sur les habitations de leurs anciens maîtres. »

Quoi qu'il en soit, nous apprenons que le roi de Danemarck a sanctionné le décret par lequel le général Von Scholten a aboli l'esclavage dans les colonies danoises. Nous publierons, dès qu'ils nous seront parvenus, les documents officiels qui se rapportent à cet événement.


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