Histoire de la déportation à Cayenne ; suivie de tous les prêtres déportés à Cayenne

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— 77 — Cependant cette liberté nous exposa à beaucoup d'autres désagréments. Il nous faut passer par tous les genres d'ignominies. Il ne suffit pas de nous faire subir toutes les duretés d'un équipage naturellement grossier, indécent, malhonnête ; pour comble d'objection, on nous avait associés à de véritables coupables, à des coupables de la pire espèce, à des chauffeurs, à des galériens. Les matelots se plaisaient à nous rappeler le parallèle qu'on avait établi entre nous cl ces honnêtes gens. Ces scélérats, c o m m e le mauvais larron, ne nous épargnaient guère leurs quolibets. Ils savaient s'acquitter dignement de leur mission ; ils ajoutaient à tous nos maux celui de nous tourmenter par des propos dignes de gens sans honneur. Ils allaient encore plus loin. Ils exerçaient à notre égard leur fine industrie. Le repentir n'était pas entré dans leurs cœurs. Le châtiment ne faisait que les irriter davantage. Ils saisissaient tous les instants favorables au dessein qu'ils avaient de nous dépouiller de toutes nos faibles ressources. Ils enlevaient aux uns leur linge, aux autres leur montre, à plusieurs leur argent. Une montre cependant fut découverte entre les mains du voleur et rendue au légitime possesseur, qui demanda grâce pour le coupable, et n'en obtint pas de lui une conduite meilleure pour l'avenir. Mais quelle alerte ! Quelle frayeur ! Quel combat étrange ! Un jour que nous gémissions sur le malheur d'une telle association, on entend une voix qui crie du haut de la h u n e : Navire, et bientôt une autre qui dit : A bas tous les déportés ! Aussitôt nous nous précipitons à la hâte et en foule dans notre fournaise pestilentielle. Là, oubliés et enfermés pendant douze heures, nous entendions à chaque instant des coups répétés de canons, signal d'un combat, signal affreux, qui nous fit éprouver toutes les transes, toutes les angoisses, que des hommes, qui p r é voient une catastrophe sans pouvoir l'éviter, doivent ressentir à l'approche d'un danger imminent. Cet état de crise passa ; le combat se termina, et après douze heures d'incarcération,

il nous fut

permis de remonter

sur


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