Histoire de la déportation à Cayenne ; suivie de tous les prêtres déportés à Cayenne

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— 75 — vingt jours, un vomissement avec des efforts violents et presque continuels, ne me laissaient de relâche que les heures de la nuit. Soit effet de cet affreux tourment, soit répugnance des aliments, j'éprouvai, en outre, pendant près de trois semaines après ce fatigant mal de cœur, un dégoût, qui me fait croire encore aujourd'hui, que j e ne vivais alors que d'air. Il nous survint un ennemi plus terrible encore. Pendant que j e luttais contre ce mal plus pénible que d a n g e reux, j'entendais les plaintes de mes

malheureux

confrères.

Bientôt j e sentis aussi m o i - m ê m e la piqûre atroce de poux. Cette misérable vermine nous couvrit en peu de temps, et malgré tous nos soins, de la tête aux pieds et ne nous abandonna qu'à l'instant où nous abandonnâmes nous-mêmes le navire. Une position si déplorable nous faisait regarder comme un bonheur d'arriver au lieu de notre exil. Infortunés ! nous ignorions que l'accomplissement de ce désir ne pouvait que hâter la perte du plus grand nombre d'entre nous. Mais la pesanteur du vaisseau, les vents contraires, les calmes assez fréquents ne nous permettaient d'avancer qu'avec lenteur. Nous étions encore plus près de notre patrie que du lieu de notre transmigration. La misère continua à nous faire éprouver ses progrès. En effet tout se réunit à la fois contre nous et la mauvaise nourriture et la putridité de l'eau et l'air corrompu de notre c a chot. A la fin, malgré nous, nous frémissions d'horreur en y rentrant. Incapables de soutenir longtemps tant de maux à la fois, nous nous affaiblissions de jour en jour, nous tombions en langueur, nous étions couverts des pâleurs de la mort. Le plus

grand

nombre d'entre nous furent saisis de maladies graves. Privés de secours suffisants, plusieurs succombèrent à la violence du mal et terminèrent en peu de jours leur pénible et honorable carrière. Le funeste sort de neuf déportés, qui, en moins de quinze jours, furent arrachés à la vie et trouvèrent leur sépulture dans la profondeur des mers, parut aux yeux des matelots un avertis-


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