Histoire de la déportation à Cayenne ; suivie de tous les prêtres déportés à Cayenne

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— 34 — heurs, était revenue d'Espagne sur la foi des décrets; mais à peine eut-elle posé le pied sur le sol français, qu'elle apprit, aux dépens de sa liberté, à connaître l'instabilité des lois du gouvernement actuel de la France. C'était d'après ces lois qu'elle s'était déterminée à revenir d'Espagne. Or, elle est contrainte aujourd'hui de compter au nombre de ses jours heureux, celui où il lui sera donné de retourner en cette terre qu'elle reconnaît trop tard, pour elle, d'avoir abandonnée trop tôt. Cette visite, qui nous conduisit presque jusqu'à la nuit, nous lit passer agréablement le reste de la journée. Le jour suivant, on ajouta à notre nombre cinq nouvelles victimes. C'étaient cinq prêtres du diocèse d'Auxerre, que le département de l'Yonne envoyait à Rochefort augmenter le dépôt de la déportation. Parmi ces infortunés s'en trouvait un plus malheureux que les autres; c'était un vieillard de plus de soixante-quinze ans. Ses infirmités lui avaient ôté la l'acuité de s'habiller et même de marcher. Par là il était à charge à lui-même et aux autres. Cependant, au milieu de ses malheurs, il nourrissait l'espoir, que par compassion pour lui, et pour l'allégement de ses infortunés compagnons, la ville d'Orléans, lieu de sa naissance, modérerait par sa sensibilité l'inhumanité de la ville d'Auxerre, et le retiendrait peut-être dans ses murs. Il ne fut pas trompé dans son attente. Car la famille de ce vieillard respectable et malheureux, instruite du sort de son parent, obtint par ses sollicitations auprès du département, que le lieu de sa déportation ne serait autre que la maison d'arrêt de son lieu natal. Nous ne dûmes qu'à cet incident l'avantage de voir dans les membres de cette estimable famille des citoyens de la ville. Car le département tout en adoucissant pour nous les rigueurs de la prison, se montra extrêmement sévère en interdisant toute visite du dehors. Quand nous eûmes salué ces prêtres et que nous eûmes connu qu'ils étaient, ainsi que nous, des victimes pour Rochefort, nous éprouvâmes la vérité de cette maxime : que le malheur hommes.

unit les

En effet, dès cet instant, quoique étrangers les uns aux


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