Histoire de la déportation à Cayenne ; suivie de tous les prêtres déportés à Cayenne

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— 36 — Combien fut propre a distraire notre esprit de l'affligeant souvenir de ce régicide aussi ambitieux que maladroit, la route qui se déroula devant nous le lendemain ! Toute mal

entretenue

qu'elle était, elle offrait à nos regards une riante campagne. L'agréable variété des objets nous charmait. Nous eûmes une heureuse surprise. Nous rencontrâmes nos cinq compagnons de prison, qui revenaient d'Orléans. Ils étaient libres et triomphants. Cependant leur victoire n'était pas c o m plète. Leurs antagonistes, outre l'impunité, eurent à s'applaudir du succès de leur dénonciation, dont le but essentiel fut d'éloigner de

toute assemblée des hommes p r o b e s , dont ils crai-

gnaient l'influence. Leurs maux finissaient ; les nôtres ne faisaient que commencer, hélas ! Nous arrivâmes à Orléans sans presque nous en apercevoir. Le premier aspect de cette ville me replongea dans de sinistres réflexions. Alors se retraça à mon esprit l'époque malheureuse où les ennemis de l'ordre et de la justice, feignant d'établir en cette ville une haute cour nationale, y entassèrent un grand nombre de victimes, moins pour être jugées, qu'immolées un jour à leur rage par une populace effrénée, qui attendit à Versailles l'heure où ces malheureux

devaient entrer dans cette

commune. Malgré le trouble qu'excitait en mon âme un souvenir si amer, j e ne pus me défendre d'admirer cette vaste, riche, belle et majestueuse cité. Parmi le grand nombre de ses superbes édifices, celui qui piquait davantage notre curiosité, fut la cathédrale dont les tours, par la délicatesse de leur structure, sont un chefd'œuvre de l'art ; mais le voyageur émerveillé éprouve un r e gret, c'est qu'il manque à la perfection d'un si rare ouvrage de n'être point encore achevé. Pendant que nos yeux se plaisaient à considérer ainsi les objets qui les frappaient davantage, notre voiture nous conduisit devant le couvent des Minimes, transformé en maison d'arrêt. On nous en ouvrit les portes ; nous y entrâmes. Le souvenir de ce que fut


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