Histoire de la déportation à Cayenne ; suivie de tous les prêtres déportés à Cayenne

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— 15 — C'est ainsi que nous traversâmes la ville et les faubourgs. Nous arrivâmes à Sommesous, village de la Champagne. Là nous fûmes remis à la gendarmerie du lieu. Un des gendarmes, qui me r e connut, moitié par sensibilité, moitié par reconnaissance, obtint que nous ayons à choisir entre la prison et l'auberge. Il ne nous fut pas difficile de déterminer notre choix. L'auberge devint la prison, où nous fûmes conduits par la gendarmerie. Le lendemain d è s l'aurore, on nous fit partir pour Arcis, lieu riche et agréable de la Champagne, qu'arrose la rivière d'Aube. Un ancien et puissant seigneur de cette cité rendit cette rivière navigable pour l'intérêt de ses vassaux, qu'il regardait c o m m e ses amis, disons mieux, comme ses enfants. Mais le malheur des temps empêcha ces braves gens de continuer, depuis quelques années, de conduire à la capitale de l'empire le riche produit de ses bois. La rivière n'y portait plus que le tribut de ses eaux. Aussi un triste silence a-t-il succédé à cette agitation, à cet agréable murmure, à ce concours actif d'hommes qu'on voit aller, venir, retourner, revenir encore, mouvement perpétuel qui plaît infiniment au voyageur passant dans un lieu de commerce, sur le port d'une rivière navigable. Les habitants, par leur air mélancolique, semblent annoncer une grande sensibilité; mais ils n'osent nous approcher. Cette timidité ne nous laisse plus douter que l'ombre sauvage du trop fameux Danton est encore errante dans ces lieux témoins de sa naissance. Tout nous annonce les rigueurs qui nous attendent. Un des prisonniers avait compromis la veille, par son évasion, la responsabilité du concierge de la prison. Aussi à peine fûmesnous remis sous la surveillance du geôlier que nous éprouvâmes les effets de sa défiance et de sa dureté. Il présenta à l'un une cruche d'eau et à l'autre un pain noir et mal fait, il se charge lui d'une botte de paille et ouvre une porte basse et étroite; nous faisons quelques pas à tâtons et à demi-courbés. Le geôlier ouvre une seconde porte plus basse que la première : c'est celle de la prison, séjour, horrible où ne règne qu'une faible clarté, où l'on ne respire qu'un air épais, où l'on est suffoqué par une odeur


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