Histoire de la déportation à Cayenne ; suivie de tous les prêtres déportés à Cayenne

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— 105 — chassé par les colons, qui refusèrent d'adopter ses principes. Les colons faillirent de l'avoir pour maître sans leur courage à le chasser une seconde fois, en dépit du Directoire, qui, pour prix de son patriotisme, le leur avait envoyé pour être son agent dans leur colonie. Mais toutes ces contrariétés, que lui attira son génie perturbateur, lui méritèrent aux yeux des tyrans de la France la place d'agent de Cayenne et de la Guyane française. Ce changement dans le gouvernement de la Guyane ne pouvait m'être favorable, on peut bien se l'imaginer. Cependant, au milieu de cette calamité, je bénissais la Providence qui avait permis que M. Jeannet, qui devait être relevé depuis six mois, se trouvât encore chef de la colonie à mon arrivée, pour me soustraire aux horreurs de Conamama ou de Sinamari. Ne p o u vant que suivre le cours des événements, j e me résignai à faire un sacrifice nouveau, celui de voir s'éloigner de moi un protecteur parfaitement bien intentionné. M. Jeannet partit donc au grand regret des colons et de tous les habitants de Cayenne, qui fondaient en larmes et le conduisirent jusqu'au port, où il s'embarqua. Deux fois délégué dans cette colonie, il sut y maintenir la tranquillité; mais il ne put éviter d'y avoir quelques ennemis, qui ont cherché à le rendre odieux au public. Comme il n'est point entré dans mon plan de rechercher sa conduite, j e l'abandonne sur cet article à ses ennemis, contre lesquels j e sais qu'il est en état de se défendre. D'ailleurs mon témoignage en sa faveur ne pourrait être que suspect aux yeux de ce même public. Cependant je dois, par reconnaissance et par amour de la vérité, dire que j e sais divers traits qui lui font honneur. Il fit parvenir aux déportés à Conamama des hardes pour les vêtir sans qu'ils sussent même de qui ils tenaient cette largesse. Je lui ai ouï dire à lui-même qu'il déplorait le sort des déportés, et que si le Directoire, au lieu de lui donner des ordres, lui avait laissé la liberté de les placer dans la colonie, il les aurait envoyés à Oyapuc, où ils auraient trouvé de bonne eau, d'excellent poisson, du gibier abondant et d'utiles secours de la


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