Histoire de la déportation à Cayenne ; suivie de tous les prêtres déportés à Cayenne

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— 88 — venait de réveiller par le son d'une corne, c o m m e le bétail en France, pour aller au travail, et qui sortaient de leurs sombres cabanes. Ces modestes habitations étaient composées de forts piquets fixés en terre, garnis de lattes entrelacées, et surmontées d'une couverture en feuillage. Pour ne pas, sans doute, avilir le nom de maison, on a substitué celui de case. Je voyais tous ces êtres dégradés s'avancer tristement, et tels qu'on peint nos premiers parents chassés du paradis d'Eden. Mais les ouvrages de la nature ou de l'art n'ont que des qualités relatives. Aussi la case du propriétaire, où j'étais admis et qui d'abord ne m'avait offert que l'image de la plus humble chaumière, comparée avec ces retraites sauvages, reparut à mes yeux sous l'aspect d'une habitation supportable. Je fus bientôt convaincu que j e n'avais pas lieu de me plaindre. « Que vous êtes heureux ! me dit le curé de L'Echelle, qui vint « me voir

le lendemain. Votre case est distinguée, et votre

« habitation du moins est abordable. Pour moi, j e n'ai pu péné« trer jusqu'à ma triste case qu'en traversant une vase molle et « infecte, qu'en passant au milieu des embarras de gros arbres « épars ça et là, qu'aiguillonné par la brûlante piqûre d'une nuée « d'insectes qui se disputaient ma chair. J'ai couru le triple « danger d'être enseveli dans la vase, dévoré par les insectes « ou brisé par les bois. » O pauvre curé de L'Echelle ! Malgré lui les larmes coulaient de ses yeux. Quel sombre avenir se déroule devant lui !


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