Compte rendu de mon mandat d'octobre 1893 à mai 1898

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Une troisième question, qui ne vous a pas moins préoccupés que les précédentes, c'est celle du territoire contesté entre la France et le Brésil. De cette troisième question, ne me suis-je pas également, citoyens, sans cesse préoccupé et occupé? Ah! certes, non pas avec le désir enthousiaste, je ne vous le cache pas, de voir, de ce côté, un nouvel agrandissement de l'empire colonial français; non pas pour presser le gouvernement de poursuivre et de hâter cet agrandissement d'une façon quelconque, surtout par la voie des armes. Et quelque reproche d'antipatriotisme que pourra peut-être m'attirer cet aveu, de la part de certaines gens, je n'éprouve, je vous l'assure, aucune espèce d'hésitation à vous le faire. C'est que, sachant, d'une part, quel fléau est l'industrie dite aurifère pour les pays où elle s'exerce; quels abus elle entraîne dans ces pays; de quels arrêts de progrès et de prospérité elle est cause pour eux ; de quelles calamités immédiates même elle les frappe et accable, ainsi que vousmêmes, d'ailleurs, en avez fait la longue, douloureuse, et encore toute récente expérience; je n'avais, en effet, que trop déploré en moi-même et pour notre pays, dès le principe, les nouvelles découvertes de gisements d'or qui avaient été faites au Carsevène et à Mapa. C'est ensuite que, n'ayant que trop appris, par une expérience politique et parlementaire de quinze années, ce que coûtent désormais les nouveaux agrandissements coloniaux, non seulement à la France ellemême, mais encore et surtout, aujourd'hui, à ses plus anciennes possessions d'outre-mer, je ne croyais pas avoir, dans l'intérêt même de notre pays, à essayer de précipiter une solution quelconque de la question du territoire contesté. En effet, ne vous ai-je pas expliqué plus haut comment c'était par suite de la substitution d'une politique coloniale de conquêtes nouvelles à l'ancienne vieille politique coloniale française, que l'on en était arrivé, peu à peu, non seulement à ne plus rien faire pour nos plus anciennes et plus malheureuses colonies, mais même à leur demander de contribuer dorénavant, pour leur part, et indirectement, aux frais de ces conquêtes nouvelles? Ne vous ai-je pas expliqué comment c'était pour faire face aux dépenses des guerres coloniales, depuis le Tonkin jusqu'à Madagascar, qu'on en était venu enfin à demander aujourd'hui jusqu'à la pauvre Guyane elle-même de contribuer aux frais de suzeraineté de la métropole sur elle?


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