Compte rendu de mon mandat d'octobre 1893 à mai 1898

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— 9 — Ainsi que je vous le disais il y a un instant, ceux qui s'étaient adressés à moi savent quelles démarches j'avais faites naguère pour eux, et ce qui m'a été constamment répondu. Cependant comme il n'est pas inutile que, tous, vous le sachiez aussi, voici ce que j'ai à vous apprendre à ce sujet. En ce qui concerne les libérés, à peine ai-je besoin de dire que l'Administration pénitentiaire ne saurait répondre de leurs délits, comme précisément ils ne dépendent plus d'elle, par le fait de leur libération, et ne relèvent plus que des tribunaux ordinaires. Quant à ce qui concerne les condamnés en cours de peine évadés, j'ai toujours trouvé l'Administration pénitentiaire très disposée à indemniser les victimes des méfaits de ces hommes. Mais, à une condition cependant. C'était que les plaignants voulussent bien, du moins, lui apporter toujours, au préalable, quelque preuve certaine que c'était bien de méfaits de ces hommes qu'ils avaient été victimes. Et je ne doute pas que, à première vue, cette condition ne vous paraisse à vous-mêmes absolument raisonnable. Autrement, en effet, vous devez comprendre qu'il suffirait de toujours attribuer tous les méfaits qui se commettraient aux forçats évadés pour que le gouvernement fût toujours obligé de les réparer tous. Et comme, après tout, l'on ne saurait prétendre que, seuls, les forçats évadés sont capables de méfaits, il se trouverait que, parfois, ce serait à tort que le gouvernement serait appelé à accorder des indemnités. Encore une fois, je ne doute donc pas que vous trouviez vous-mêmes équitable la condition exigée par l'Administration pénitentiaire. Tout ce vous pourriez dire, et que je n'ai jamais manqué de dire moimême, c'est que, dans la plupart des cas, cette condition serait presque impossible à remplir par vous; surtout si l'Administration exige, comme on me l'a laissé entendre, ou que les coupables aient été pris sur le fait, ou que, sur preuves suffisantes, les plaignants aient obtenu jugement contre les délinquants. Car, outre que les flagrants délits sont ordinairement fort rares, dans les cas dont il s'agit, il ne vous serait pas toujours aisé à vous-mêmes de poursuivre une action judiciaire. Mais, par malheur, cette objection ne peut avoir elle-même qu'une valeur relative ; car, ce n'est pas seulement dans le cas qui nous occupe qu'elle pourrait être faite, mais pour tous les dommages qui se produisent chaque jour partout, et pour lesquels les plaignants sont très souvent obligés de renoncer à toutes réparations, faute de flagrant délit, ou de moyens de suivre un procès, surtout là où n'existe pas l'assistance judiciaire.


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