Compte rendu de mon mandat d'octobre 1893 à mai 1898

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—8 Vainement, l'on voudrait vous dire que ce n'était pas l'affaire dudit député de porter la question à la Chambre, mais la mienne. Ce ne serait là, citoyens, qu'une jésuitique défaite; car, alors, ce n'était pas son affaire non plus, je suppose, d'aller porter et appuyer vos revendications au Ministère à ma place — ce dont je ne saurais aucunement lui en vouloir, d'ailleurs, comme c'était son droit absolu de le faire. Non. La vérité, citoyens, c'est qu'il n'y avait, en réalité, rien à répondre aux objections du ministre; que ces messieurs s'en étaient aperçus, du premier coup, comme moi; que la cause leur avait paru mauvaise à défendre, et qu'ils avaient dû y renoncer comme moi-même. Qui ne voit, en effet, que, dans la circonstance, c'était cette force des choses dont je vous parlais en commençant qui s'opposait ici à ce qu'aucune des solutions que vous demandiez pour la question des libérés pût être obtenue? Qui ne voit, d'abord, que les principes généraux du droit, autrement dire la loi, ne permettant aucune restriction à la liberté reconquise par un condamné qui a subi sa peine, non plus qu'aucun double internement de ce libéré, ni le Ministère, ni le Parlement n'auraient pu consentir à une violation de ces principes généraux, dans le seul intérêt de la Guyane ? Qui ne voit, d'autre part, que l'intérêt de la métropole ayant seul autrefois dicté et jusqu'à présent maintenu et aggravé pour nous les lois de la transportation, il n'y avait lieu pour personne d'espérer que le Parlement consentirait bénévolement aujourd'hui à sacrifier cet intérêt à celui de la Guyane, en modifiant ces lois de façon à permettre aux anciens forçats de revenir en France ou même en Algérie? Dans ces conditions, que pourraient donc avoir mes détracteurs à me reprocher ici ? Et comment pourraient-ils me reprocher quelque chose, alors qu'un de leurs amis même, conseiller général, a échoué tout comme moi, dans la circonstance et dans ses démarches, quoiqu'il eût pris la précaution de se couvrir d'une autorité bien autrement puissante et éclairée que la mienne? Citoyens, ce sera à eux de répondre ; et non pas de façon vague, comme ils le font d'habitude; mais, cette fois, de façon claire et précise. Et ce sera, ensuite, à vous de juger. Pour continuer avec cette question, j'ai maintenant un mot à vous dire des méfaits dont quelques-uns d'entre vous avaient été victimes, qu'ils avaient attribués soit aux libérés, soit à des forçats évadés, et dont ils m'avaient chargé de demander réparation pour eux au Ministère.


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