Bulletin de la Société de Géographie

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A LA GUYANE (18 FRUCTIDOR).

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N'était-il pas applicable à tous les émigrés de la même catégorie? E t se serait-il trouvé, à cette époque, un seul lieu en France où l'on ne se fût pas fait un devoir de fournir à tout émigré les preuves nécessaires à cette espèce de justification? Ce moyen prévenait sans commotion, sans froissement d'intérêt, la ruine dont était menacée cette noble portion des Français. Cependant, il ne fut point adopté ; on trouva que les « circonstances » n'étaient pas encore assez favorables (1) ; quelques membres du Conseil des Anciens principalement, regardèrent la tentative comme fort dangede l'Alsace par les Autrichiens, avaient ouvert un champ immense aux persécutions. Les proconsuls qui y furent envoyés après la retraite des ennemis, y moissonnèrent si largement, qu'une grande p a r t i e de la population fut obligée de s'expatrier pour se soustraire à leur fureur. On ne manqua pas d'enrichir des noms de ces fugitifs la liste des émigrés, à quelque classe qu'ils appartinssent. C'est contre cette atrocité que M. Pastoret s'éleva le premier, et nous réussîmes à faire révoquer une si haute injustice. ( 1 ) Les « circonstances! » . . . Espèce d'axiome ou plutôt de mystification politique inventée depuis nos troubles par la perfidie, et trop souvent invoquée par la faiblesse. En quoi consistera donc l'art de gouverner, si les « circonstances » en deviennent la règle suprême ? Le fatalisme musulman a-t-il quelque chose de pire ? Qu'estil arrivé depuis l'adoption de ce commode s y s t è m e ? que les « circonstances » les plus funestes, contre lesquelles il eût suffi de se prononcer dans le principe pour les vaincre, ont, à l'ombre de la timidité, acquis une telle puissance, qu'elles sont devenues insurmontables. N'ayant pas eu le courage de les combattre, il a fallu subir la honte de s'y soumettre. Sans doute les « circonstances » doivent entrer dans les calculs politiques; mais jusqu'alors le secret des véritables hommes d'État avait été, non pas de se placer sous leur j o u g , mais de les diriger dans l'intérêt public, ou de les dompter si elles s'en écartaient. T e l l e vient d'être, fort heureusement pour le Piémont, la conduite de son S o u v e r a i n . Que de maux une poignée de révoltés avides d'argent et de pouvoir n'aurait-elle pas déjà appelés sur les peuples de ces heureuses contrées, si leur Roi eût fléchi devant les « circonstances » ? Combien de gens cependant les disaient « irrésistibles » ? De fins politiques, voire même des généraux


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