Bulletin de la Société de Géographie

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A LA GUYANE (18 FRUCTIDOR).

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retrouvâmes dans notre courage assez de forces pour aller partager avec nos camarades la joie d'une réception aussi favorable. Toute l'adresse et la diligence de nos ouvriers ne purent mettre notre pirogue en état qu'à la nuit. Nous n'aurions pas hésité à nous rembarquer de suite, si la marée nous l'eût permis. Il fallut nous résigner à passer encore douze heures au milieu de nos feux et de nos essaims d'insectes. Mais l'espérance avait succédé à nos vives inquiétudes, et nous goûtâmes enfin pendant quelques heures les douceurs d'un sommeil qui nous était bien nécessaire. L e jour parut, la mer était bonne; les ouvriers qui avaient ordre de ne quitter qu'après notre embarquement nous réveillèrent. Nos préparatifs ne furent pas longs ; six de nous restèrent dans la pirogue ; les autres, après avoir passé les kricks et les marais, préférèrent marcher. Tous s'acheminèrent ainsi vers le fort de Monte-Krick. Les piétons devancèrent la pirogue et disposèrent le commandant du poste à accueillir leurs compagnons de naufrage aussi bien qu'ils avaient été accueillis euxmêmes. Ils arrivèrent quelques heures après et trouvèrent une vaste case et un bon dîner préparés pour les recevoir. Quel miraculeux changement ! Plus de chaînes à traîner ; plus de bourreaux à redouter ; toutes les misères humaines épuisées sans nous abattre ! O justice céleste ! Des larmes de reconnaissance arrosent cette terre de salut, et le souvenir de nos maux aurait disparu comme un songe pénible, si l'état critique de Barrick ne nous les avait rappelés. L e généreux commandant du poste partagea l'intérêt que nous prenions à notre libérateur, et n'omit rien pour le soulager. Il parlait assez bien français, et, quoiqu'il ne nous devinât pas, notre roman ne paraissait pas le convaincre entiè10


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