Recit des traitements qu'ont éprouvés pendant dix mois, en rade de l'Isle d'Aix

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( б ) Une gouëlette. Apr ès nous avoir ar r aché nos cocardes, comme indignes de la pr otection publique, on nous fit descendr e avec une telle précipitation, que si un de nos confrères n'eût montré au capitaine la plus gr ande résolution, plusieurs se ser oient infailliblement noyés, ou se feroient cassé la tête en tombant. Nous fumes donc ainsi sépar és de nos galeux qui avoient eu en tout le pas fur nous. Pendant qu'à leurs repas ou leur donnoit de la viande ou de la morue, on nous laissoit à nous tout le mérite du jeûne. Nous ne pumes ar r iver que le lendemain à bord des deux associés, vaisseau destiné pour nous trasporter à la Guyane. La nuit que nous passames dans cette gouëlette est fans doute la plus ter r ible que nous ayons eu de la vie. Dans un endr oit où quar ante personnes auroient été gênées, on nous y entassa quatre vingt dix­neuf. Aussi le lendemain plusieur s de nos confr èr es avoient des érésipèles, & desfluxionsaux yeux Cependant ce n'étoit encore là qu'un simple apprentissage de tout ce que nous devions four­ nir à bor d des deux associés, où nous ar r i­ vames enfin le lendemain de notr e dépar t du Borée. Ce fut ici une autr e scène. En voyant fur ce vaisseau les officier s de l'équipage fous les armes, le sabre nud à la main, nous nous rap­ pelions ce qui nous est dit dans l'évangile, de ne pas craindre ceux qui tuent le corps, mais bien plutôt celui qui peut précipiter le corps &


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